Je suis toujours d'accord avec son convenu, et j'ai donc décidé de le mettre ici.
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« Bienvenu dans le monde de l’ésotérisme ami lecteur, un monde où ce qui a vraiment de l’importance, c’est le spirituel, le métaphysique, le mystique, la communication avec le monde par des voies qui dépassent l’entendement… »
Ca sonne bien dit comme ça, non ?
Et bien oui, ça sonne très bien, mais non, ça ne reflète pas vraiment la réalité du phénomène.
Quand on commence à trainer dans l’occulte, malgré des velléités spirituelles très nobles à la base, on finit tous, un jour ou l’autre, par pénétrer dans ce que je serais tentée d’appeler « antre du diable », si je n’avais pas peur des connotations hasardeuses : une boutique ésotérique.
Bon, j’avouerai qu’aujourd’hui, j’ai la flemme de me lancer dans une diatribe sur la société de consommation et ses dérives. Oui, j’ai la flemme, et au fond de moi, je suis une bonne petite consommatrice comme tout le monde, ça serait l’hôpital qui se fout de la charité si je la ramenais sur ce point. Et de toute façon, là n’est pas le sujet de cet article.
Je ne m’attarderai pas non plus, en tout cas pas tout de suite, sur le fait que l’ésotérisme, c’est quand même un passe temps de riches : le moindre bouquin, le moindre rituel qui recommande expressément l’usage de 15 bougies et de 3 sortes d’encens, sans parler du matériel de base, et c’est fini, vous êtes dans le rouge Messieurs Dames, c’est magique (si j’ose dire) !
(Ne préparez pas le bûcher tout de suite, je SAIS bien que la magie n’est pas entièrement conditionnée par le matériel qu’on utilise, mais en exagérant un tout petit peu, je ne suis pas si loin que ça de la réalité).
Bref, sans savoir exactement pourquoi, on finit un beau jour par se retrouver dans une boutique ésotérique à la recherche de pierres, de parchemin, d’un tarot (rayez les mentions inutiles).
Et bien moi, j’ai horreur de ce moment là. Ce moment fatidique où j’entre dans la boutique, où il règne tout à coup une odeur atroce d’encens vaguement indien, où des dizaines de grelots ridicules tintent dès que je pousse la porte et où je me retrouve nez à nez à une vendeuse pas aimable qui s’y connaît autant en magie que le Dalaï Lama en tapisserie hongroise du XIVe siècle.
Ce n’est pas facile d’être quelqu’un de rationnel et d’assumer le fait de s’intéresser à l’occulte. Ca demande du temps, de la patience, de la réflexion. Il faut se répéter sans cesse que non, on n’est pas fou, que oui, il peut il y avoir un fondement intellectuel derrière tout ça, que non, on n’est pas un petit être crédule impressionnable qui prend ses rêves pour des réalités. Et bien moi, quand j’entre dans une boutique ésotérique, j’ai l’impression que tout ce travail de légitimation que j’effectue sans cesse pour ne pas me mépriser totalement part en fumée en moins de deux minutes.
Personnellement, les titres des livres disponibles me donnent souvent envie de m’enfuir en courant :
- « Communiquez avec votre ange gardien » (C’est tellement ridicule cette histoire d’ange gardien, tellement peu crédible… j’y reviendrai)
- « La magie des philtres d’amour » (Fuyez, fuyez tous !)
- « Le bonheur en 10 leçons grâce au Bouddhisme » (On se demande ce que Bouddha peut bien foutre là, et ce qu’il a bien pu faire pour mériter de voir tous ses enseignements se faire aussi honteusement édulcorer à la sauce New Age)
J’en passe et des meilleurs : 95% des livres qu’on trouve dans ces boutiques ne sont que des pathétiques ramassis de conneries à l’usage de gens crédules et mal dans leurs peaux. Des bouquins n’ayant aucune crédibilité et aucun fondement, si ce n’est l’appât du gain.
Et je ne parle même pas des bibelots pseudo magiques vendus à un prix exorbitants alors qu’on sait très bien qu’ils ont été produits à la chaine par des petits indiens sous payés…
Gloups. On ferme les yeux, on respire un grand coup, et on se dépêche de trouver ce pourquoi on n’est venu (à condition qu’à ce stade, on n’ait pas tout simplement oublié les raisons qui nous avait poussé à venir et qu’on ne soit pas déjà parti s’auto-flageller en criant « j’arrête ces conneries d’ésotérisme, je ne lirai plus que du Pascal et du Descartes jusqu’à la fin des mes jours ».)
Donc, on se hâte, on demande vite à la vendeuse (ou au vendeur) ce qu’il nous faut.
La vendeuse, elle a souvent un air de bouledogue léthargique (ce qui est dur pour la race canine), elle est aimable comme une porte de prison, et enfin, elle n’y connaît strictement rien, mais fait comme si (parce que ça l’fait trop). Quand tu lui poses une question, elle te toise du haut de son savoir incommensurable (on la lui fait pas à elle, le voisin de sa cousine est un authentique sorcier/rebouteux/radiesthésiste, alors elle s’y connaît !), et dans sa grande mansuétude, elle accepte de te répondre pour te montrer à quel point tu n’y connais rien (ps : vile bouse).
Exemple issu de mon expérience personnelle (ça s’est passé hier, et ça m’a suffisamment remontée pour me pousser à écrire cet article) : j’entre dans un magasin de pierres pour trouver une Pyrite dont j’aimerais faire cadeau à un ami. Je n’y connais pas grand-chose en lithothérapie, mais je me suis renseignée avant de venir : c’est LA pierre que je veux. Mais, parce que j’ai conscience de ne pas avoir la science infuse, je demande à la vendeuse quelques informations supplémentaires. Cette espèce de harpie me regarde avec un air las, soupir pour me faire comprendre que cette conversation la gonfle déjà, n’écoute de toute façon pas ce que j’ai à dire et finit par me couper :
- C’est pour vous ?
- Non pour un ami.
- Ah bon ! C’est quoi son signe astrologique ?
- Euh Sagittaire, mais quel est le rapport ?
- Ah mais je ne suis pas sure que ça convienne hein, attendez… Bon visualisez le un peu, que je capte ses vibrations et que je vous dise ce dont il a besoin. (Je m’exécute, curieuse de savoir ce qu’elle va répondre. La vendeuse regarde vaguement les étagères, avec un air de « hum, qu’est-ce que je vais bien pouvoir manger ce soir », et en prend une au hasard.) Oui, moi je pense que c’est celle là qui lui irait le mieux !
- Une Rodhonite ?! (pierre qui n’a juste rien à voir avec ce que je recherche)
- Oui oui, tout à fait.
- Mais je ne suis pas sure que ce soit exactement ce qui lui correspondrait le mieux…
- Vous non, mais moi je sais. Votre ami, il est pas du tout comme vous, et vous ne pouvez pas le savoir. (Nan, t’as raison connasse, c’est juste un tout petit peu mon meilleur ami, mais je dois avoir si peu d’empathie que toi, en 10 seconde de « captage d’ondes magique », tu l’as immédiatement cerné…).
- Ah bon.
- Vous, vous êtes totalement différente.
- Ah oui ? Je suis plutôt comment moi ?
- Plutôt comme Saint Thomas.
Voici ce que j’aurais dû répondre :
« Madame, vous êtes grotesque. Votre numéro de grande initiée aux mystères de la vie est peut être efficace sur les pauvres gens qui pensent trouver soulagement et connaissance en écoutant votre baratin, mais entre nous, il ne tient pas la route. Votre amateurisme est flagrant, et c’est à cause de gens comme vous que la majorité des gens considère que l’ésotérisme est une sous-discipline, un attrape nigaud dénué de toute crédibilité. »
On pourrait croire que je généralise, mais toutes les fois où je suis entrée dans l’une de ces boutiques, j’en suis ressortie en ayant le sentiment d’avoir été prise pour une conne, et de m’être fait avoir (du genre en payant 5€ un bout de parchemin végétal 5cm/5cm qui ressemble furieusement à bout de Bristol jaunit, dans une autre boutique).
En attendant de tomber sur une vraie boutique ésotérique, spécialisée et ayant un minimum de sérieux, j’ai pris une nouvelle résolution : la prochaine fois, j’achèterai sur Internet. C’est moins cher (20€ pour un tarot au lieu de 50€), personne n’essayera de me refourguer sa came en se targuant d’être infiniment supérieur à moi en matière d’ésotérisme, et j’éviterai la crise de nerfs.